God save the Queen

Publié le par Petronille

Le suspense étant intenable et le lecteur avide de sensations fortes se demandant avec angoisse ce qu’il en est de cette terrible entrevue qui guettait Pétronille, l’auteur ne vous fait pas attendre plus longtemps et vous conte ici même et par le menu le quoi et le qu’est-ce de cet entretien à visée immigrante.

 

Ayant révisé toute la nuit, Pétronille fit des rêves étranges, mais peu pénétrants, à base de situations humiliantes de type « je passe l’entrevue en chemise de nuit », et marmonna des phrases incompréhensibles en anglais dans son sommeil agité. 

Le matin venu, le réveil émit ses habituels sons désagrégés à l’aube, bien avant l’heure à laquelle Monsieur Alf claque bruyamment sa porte en faisant trembler tout l’immeuble. Pour une fois, c’est lui qui sursauta dans son lit – la journée commençait donc bien.

L’eau chaude étant revenue, Pétronille, après une bonne douche, entreprit de mettre sa tenue spéciale « je suis une femme sérieuse et respectable » (si, si), le genre même de tenue jolie mais inconfortable. D’abord, enfiler délicatement les bas en évitant que les doigts pétronillesques ne les filent avant même qu’ils aient passé la cheville. Puis se glisser dans la petite robe noire un peu serrée, et surtout, ô suprême supplice, mettre les petites chaussures à talon pour compléter la panoplie de l’immigrante parfaite pour laquelle les provinces canadiennes sont prêtes à se battre (rêvons un peu).

 

Perchée sur ses talons, Pétronille tituba gentiment en tortillant des fesses jusqu’au métro, évitant soigneusement toutes les grilles que la Mairie de Paris place sur le passage des pauvres parisiennes entalonnées : grilles d’arbres, grilles de métro, grilles d’égout, sans parler des pavés, bien sûr... Toutes sortes de pièges affreux dans lesquelles lesdits talons prennent un malin plaisir à rester coincés. Bien évidemment, à cette heure matinale, le métro était bondé, et force grands baraqués à baskets taille 46 piétinèrent allègrement les petites chaussures en question, tandis que la moiteur ambiante faisait frisotter les cheveux rouges (on le saura) péniblement domptés. 

Enfin arrivée à la Délégation du Québec, Pétronille, remettant délicatement ses cheveux en place, prit place dans la salle d’attente parmi d’autres candidats quelque peu tétanisés. Arrivée en avance pour la première fois de sa vie, Pétronille connut les affres de l’attente et ce fut bien sûr au moment où elle se repoudrait le nez (comme on dit élégamment) aux toilettes qu’une dame vint la chercher.

Après une petite déambulation dans les couloirs, Pétronille prit place dans un petit bureau jaune tapissé de posters vantant les joies de la vie québécoise en toutes saisons, du farniente estival au bord des lacs au patinage hivernal sur ces mêmes lacs gelés. Sérieuse comme un pape, raide sur sa chaise, Pétronille se crut revenue aux temps peu bénis de ses oraux de la fac.

 

Les questions fusèrent en tous sens pendant près d'une heure. De "pourquoi voulez-vous partir au Québec ?" à "pourquoi êtes-vous si sûre que vous aimerez le Québec ?", en passant par "citez-moi des villes québecoises", "donnez-moi l'équivalence québécoise de tous vos diplômes" et autres "avez-vous contacté des établissements susceptibles de vous embaucher ?", ce fut un florilège de questions auxquelles votre Pétronille répondit le plus sérieusement qu'elle put tout en guettant les mains fébriles de l'examinatrice qui notait tout sur son ordinateur. Vint ensuite le questionnaire en anglais : "what do you know about our society ?", "what will you do on your first week in Montréal ?" (euh... dois-je dire la vérité, à savoir : assister à un match de hockey avec une grosse main en mousse, manger des pancakes dans un de ces restos en bord de route où les serveuses à chignon et robe-tablier vous versent du café à volonté, déambuler dans les parcs naturels en poussant de grands cris extasiés et m'acheter un énorme pick-up rouillé et le gros chien qui ira dedans ? Ou vaut-il mieux dire des choses sérieuses de type chercher un appartement, lire les offres d'emploi...?).

 

Enfin, une fois que nous fûmes épuisées toutes deux par tant d'émotions, l'examinatrice me confia ce que je m'apprête à vous confier à vous, lecteurs bien aimés : le Québec sera ravi de m'accueillir. Hésitant entre me jeter à ses pieds et lui serrer dignement la main en signe de reconnaissance, j'optai pour la deuxième option, plus en accord avec ma tenue de femme respectable (mais si), et attendis d'être dans la rue pour sauter partout, sourire bêtement aux passants, embrayer sur l'expo "design contre design" avant de fêter ça au champagne.

 

Me voilà donc future sujet de Sa Royale Majesté (je sais, j'insiste lourdement là-dessus, mais ça m'ébaubit encore). Le mot de la fin sera donc "God save the Queen" et toute cette sorte de choses.

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C
Juste pour le fun <br /> http://lcn.canoe.ca/cgi-bin/player/video.cgi?file=/lcn/actualite/national/20071204_neige.wmv
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P
Merci à tous mes chers lecteurs pour vos commentaires auxquels je n'ai même plus le temps de répondre, mais qui continuent à me faire drôlement plaisir. Je continue à vous lire, moi aussi, mais je ne laisse plus de commentaires car ma pauvre cervelle est si pleine de travail que je suis trop fatiguée pour trouver des trucs désopilants à dire, donc je préfère me taire plutôt que de trahir le mythe d'une Pétronille fine et subtile...hum...bref, vous m'aurez comprise.PS pour l'Irremplaçable Epouse : arrêtez de me faire peur avec la neige québécoise, j'en ai les orteils qui bleuissent...
M
YEAH! BRAVO!Tu continueras de nous raconter tes petits moments de vie même quand tu seras là bas?
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H
: )
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C
Bravo ! Félicitations (on dit pareil en québécois) je suis vraiment contente pour vous ! Quand partez-vous ? Et qu'allez-vous réellement faire la première semaine ?
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D
Et c'est maintenant que les vraies galères vont commencer...Le vieux con rabat-joie.
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